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Noel Monahan

Celui qui porte un veau / The Calf-Bearer

Poèmes traduits par Emmanuel Malherbet

Editions de l'Arbre 2014
300 exemplaires au plomb, imprimé en deux couleurs, broché, cousu fil.
bilingue, 64 pages, 15 €
- ISBN 978-2-285278-198-6

 

Celui qui porte un veau

Ni les tresses du cheval de marbre,
ni les boucles de Koré ne m’ont tapé dans l’œil
au Musée de l’Acropole,
mais le regard tranquille de celui qui porte un veau.
Un fermier comme mon père, un veau
jeté sur les épaules ; son autel, un champ.
Il connaît les souffrances de la terre, la langue
des saisons, l’éclat du soleil, les coups de vent,
les pommes tombant dans le giron de l’automne,
l’hiver sous les branches de la lune.
Il allait solitaire, descendant de la montagne,
communiait aux secrets de la pierre et de la glaise,
regardait droit devant sans se retourner jamais,
sa maison toujours quelque part devant.

The Calf-Bearer

It wasn’t the fore-locks of the marble horse
Or the ringlets of Kore that caught my eyes
But the calm and stare of the Calf-Bearer,
In the museum of the Acropolis.
A farmer like my father with a calf
Slung over his shoulder, the field his altar,
He knows the agony of clay, the language
Of weather, blaze of the sun, squally winds,
Apples dropping on the lap of autumn,
Winter under the trees of the moon.
Travelling alone, down the mountain side,
At one with the secrets of stone and clay,
Eyes set on the road ahead, never looking back,
The house always somewhere in the distance.

 

"Ce qui se construit au fil de ces poèmes est bien la matière ramifiée d’une pensée et d’une existence. Le passé s’impose dans l’ouverture indépassable d’un espace mental forcément inachevé puisque l’émotion demeure, sans doute réévaluée, revisitée, mais de toute manière avec la force lancinante de quelque chose d’essentiel à l’identité de celui qui parle. Il ne faut pas s’étonner alors que des ponts soient jetés, rattachant le lointain au proche : ainsi de ces ânes près de Leitrim qui semblent revêtus des « impers gris » des jours de pluie, ou de ces figures immémoriales d’un coup parentes de ces peep-girls dont l’identité virtuelle se ramène à un numéro de mobile. De même figures et lieux, voire même plantes, prennent valeur emblématique. Le séneçon anodin des rocailles et des terrains vagues peut sortir de sa banalité, devenir destin et matière à penser. Ou l’épouvantail, dont on ne sait plus guère s’il est de triques et de chiffons, ou l’achèvement peut-être de quelque existence immobile, parente semble-t-il de cette vieille (mais l’est-elle, vieille ?) poussant sa brouette de brimborions en criant Amen, Amen !. Le poème renoue les fils dispersés, ou plus exactement il montre les nœuds : comment ne pas rapprocher le frai “mystérieux” des grenouilles, cosmique pour le moins, de cet étonnante question que pose le “poisson humain” des grottes de Postojna ? Qu’on soit balloté dans des trains à touristes, enfermé dans les salles de classe d’un pensionnat, qu’on ploie sous le latin et les classiques, et qu’on en bave ; que le regard s’échappe vers le ciel de nuit et que l’ouïe s’étonne aux sons du soir ; que la mémoire parcoure à nouveau les chemins déjà vus, tout se tient, tout fait signe et s’appelle par la force des choses et de l’attention qu’on leur porte. Le porteur de veau du Musée de l’Acropole n’était-il pas déjà “un fermier comme mon père” ?" (extrait de la préface)

Curve of the Moon (2010), d’où sont extraits les poèmes ici présentés, est le cinquième recueil publié depuis 1991 par Noel Monahan, qui est aussi l’auteur de plusieurs pièces de théâtre et a participé à différents ouvrages collectifs. Né à Granard, dans le nord de la République d’Irlande, il vit aujourd’hui à Cavan où il travaille au St Clare’s College.
Ce livre a été publié avec l'aimable autorisation de Salmonpoetry.



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