éditions alidades



logo






À VOIR

alain saey
albertine

 

 

Emmanuel Merle

Anthracite
Tourbe
Schiste


Emmanuel Merle est né en 1958 à La Mure et vit à Grenoble. Auteur de nombreux recueils de poésie et d'un recueil de nouvelles, les prix Kowalski et Théophile Gauthier lui sont décernés en 2007 pour Amère Indienne, ainsi que le Prix Rhône-Alpes du Livre en 2008 pour Un homme à la mer. Ses écrits, poèmes et nouvelles, paraissent régulièrement dans différentes revues en France et à l'étranger, notamment aux États-Unis.


Anthracite

alidades, collection ’Création’, 2021,
12,5 x 21 cm, 48 pages, cahier, 6,00 €, ISBN 978-2-919376-82-7

Anthracite est un livre hommage : hommage au peintre-mineur Robert Ibanez (1931-2020) et à travers l'évocation de l'œuvre et de l'homme, hommage à la réalité minière aujourd'hui disparue, qui a façonné la Matheysine, tant dans son histoire que dans sa sensibilité et sa réalité physique. Les poèmes de ce recueil sont pris "de l'intérieur" : leur auteur y livre ce qui depuis l'enfance est resté l'un de ses horizons indépassable.

Ibanez espagnol se met debout
et va voir la mort. Quand il peint les souliers
du pauvre mineur, elle est là, près de lui, gueule ouverte
sur le tableau brouillé, elle est dans les vieux lacets,
les languettes mâchées par l’usure des pas
sur les pierres obscures.
Le peintre essuie ses souliers sur le tableau,
la mort bâille.

Peintres et mineurs, tous descendent voir la mort.
Quand il peint Ibanez espagnol descend dans son tableau
avec ses souliers usés.


Tourbe

alidades, collection ’Création’, 2018.
12,5 x 21 cm, 48 pages, cahier, 5,70 €, ISBN 978-2-919376-57-5

L'Irlande, pour qui y a séjourné, est forcément terre de méditation, tant elle invite par ses paysages de somptueuse mélancolie, où tout finit par sembler signe adressé, à aller au-delà de soi-même et à résonner à l'unisson des lieux traversés. Mais elle a aussi en elle cette prégnance d'un passé douloureux de misère et de faim qui affleure à chaque instant, à chaque détour du présent. Ce recueil d'Emmanuel Merle est, pourrait-on dire, de bout en bout habité par la délicate et sombre magie de l'Irlande.


Je n’emporte pas mes outils, les mains
ont des souvenirs. Les arbres plantés,
qui sait jusqu’où vont leurs racines ?

L’arbre est un sablier à l’envers:
ce qui est sous terre nourrit ce qui s’envole.

Mon père m’a appris à creuser des trous,
avec la méticulosité de celui qui œuvre
à la bonne marche du monde.
Les cailloux ne sont pas des ennemis,
ce sont les galets de la terre. L’eau ruisselle,
qui ne nous quitte jamais.

Je pars sans emporter la terre,
juste le bruit sourd des coups de pioche,
la rugosité de la pelle sur les pierres.

Je rejoins l’autre terre, la tourbe,
cette pâte qui lève, son trop-plein d’eau
qui se languit des arbres.

 

Schiste

alidades, collection ’Création’,
12,5 x 21 cm, 44 pages, cahier, 5,50 €, ISBN 978-2-919376-24-7

On n'en a jamais fini avec son enfance, tant il est vrai que nos préoccupations, nos recherches, nos attentes, nos visions du monde et nos angoisses ne cessent de nous confronter à elle, dans une sorte de retour sur soi et de mise à distance où se joue quelque chose qui est de l'ordre du bonheur, tout du moins de sa possibilité vacillante. Il n'y a là sans doute rien de bien nouveau, mais ce qui compte, c'est, comme toujours en poésie et en littérature, la manière. La poésie d'Emmanuel Merle est d'un lyrisme retenu, économe de ses moyens et pour tout dire d'une humilité de bon aloi qui lui fait fuir et redouter toutes les complaisances auxquelles il est bien facile de succomber. Telle est la condition de l'exigence, quand il s'agit d'écrire et partant d'adresser à quelqu'un sa parole : ainsi se réalise l'équilibre si souhaitable entre le respect dû au lecteur et celui qu'on se doit à soi-même. E.M.


“Ce qu'il faut...”

Ce qu’il faut:
une terre vaste, et une route.
Quelques champs bosselés à l’herbe drue
et rase, comme des crânes de condamnés,
et la route, une cicatrice disparaissant,
réapparaissant, glorifiée d’une solitude
ocre et lumineuse.
Car c’est presque le soir:
l’après-midi tutoie sa fin,
un moment issu d’une si longue pratique
que, sur cette terre, tout est tendu,
et plein, et ramassé, en attente d’un bond
toujours possible, toujours remis.
Les montagnes jaillissent immobiles,
des effrois, des nœuds de pierre.
Il faut un ciel,
qu’à l’observer on sente une dérobade,
un exil à portée de vue, une promesse
et son écharde.
L’eau est rare, mais une demeure
est là, et son enclos qui la sépare
du vide.
La vie est sous-entendue mais possible.
Et d’ailleurs des êtres, sachant l’obscurité prochaine,
sortent sur le porche, et l’un prend
la main de l’autre,
pour suspendre le jour.

 

accueil / haut de la page