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Edward Thomas (1878-1917)

Adlestrop
et autres poèmes d'un temps de guerre



Choisis, présentés et traduits de l'anglais par Sarah Montin.
alidades, collection ’Bilingues’,
12,5 x 21 cm, 56 pages, cahier,
6,50 €. ISBN 978-2-919376-95-7.

Edward Thomas (1878-1917) n'a pas le profil typique des war poets britanniques qui partent pour le front à la sortie de l’adolescence ou de l’université. Souvent oublié au panthéon des poètes-combattants parce qu'il n'a pas écrit sur l'expérience des tranchées, il compose pourtant, de 1914 à 1917, une centaine de poèmes où la guerre est toujours latente, soit comme réalité lointaine ou grondant comme une rumeur, soit parfois aussi qu'elle éclate brutalement au sein d'un paysage ; le conflit et la peur affleurent sans cesse dans ces poèmes imprégnés de l'obsession des choses sans lendemain.

Plus d’un siècle après sa mort, ses «paroles tout incrustées de pluie» résonnent plus que jamais de leur grâce si particulière, regrettant le bonheur passé et célébrant la nature présente alors même qu’elles évoquent le grand boule-versement de la Première Guerre mondiale et la douleur d’être au monde.

Poète à la voix ténue mais tenace, encore très admiré au Royaume-Uni («notre père à tous», selon Ted Hughes), Edward Thomas est ici traduit pour la première fois en France.

Sarah Montin

Recension par Claude Grimal (En attendant Nadeau, 15 août 2023)

 

extraits :

ADLESTROP

Oui. Je me souviens d’Adlestrop –
Du nom, puisque qu’un après-midi
Brûlant, l’express s’y arrêta
Par hasard. C’était la fin juin.

La vapeur a sifflé. Quelqu’un a toussé.
Nul n’est sorti et nul n’est venu
Sur le quai désert. Et je vis
Ce nom, seul – Adlestrop

Et les saules, l’osier fleuri, et l’herbe,
La reine-des-prés et les meules séchées,
Pas moins immobiles ni beaux esseulés
Que les petits nuages juchés dans le ciel.

Et pendant cette minute, un merle a chanté
Tout près et à la ronde, puis dans la brume
De plus en plus loin, tous les oiseaux
De l’Oxfordshire et du Gloucestershire.

PLUIE

Pluie, pluie de minuit, rien que la pluie déchaînée
Contre ce pauvre abri, cette solitude et moi
Me souvenant encore que je vais mourir
Sans plus entendre la pluie ni lui rendre grâce
D’avoir fait de moi un être plus pur
Depuis que je suis né à cette solitude.
Bénis soient les morts sur qui pleut la pluie,
Mais je prie que parmi ceux que j’ai jadis aimés
Aucun ne meure ce soir ou ne demeure éveillé,
Dans sa solitude, à écouter la pluie,
Pris de douleur et puis, de compassion,
Impuissant parmi les vivants et les morts,
Comme un courant glacé dans des roseaux brisés
Une foule de roseaux brisés, inertes et raides,
Comme moi qui n’ai d’amour que cette pluie déchainée
N’ait dissous sauf l’amour de la mort,
S’il est un amour de ce qui est parfait
Et ne peut, me dit la tempête, décevoir.



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